Ma vie entière je t'ai attendu, désiré, redouté et tu as choisi l'automne pour t'annoncer, quand la brise de l'aube incandescente transporte la douce amertume des fleurs ayant perdu leur insouciance.
L'horizon s'assombrit de nuées obscures qui déferlent dans la vallée telle une houle bruissant des échos de ton arrivée.
Dragonja, Sava, Drava, seront mes émissaires étincelants voguant à ta rencontre pour te chanter ma résolution à te réserver l'accueil digne de ton rang.
Lipa, compagnon millénaire, enraciné dans notre terre martyre déchirée des tourments d'Orient et d'Occident, comme j'aimerai que coule en moi que ta sève immortelle.
Fille, femme, mère, quel visage t'offrirais-je lorsque tu pénétreras mon domaine ?
Je me dresserai haletante, frémissante et sauvage, toutes les fibres de mon être vibrant à l'unisson.
Tu viendras à moi et mes baisers auront le goût de ton sang.
Les hymnes de Mars conduiront la chorégraphie funeste dans laquelle nous nous abandonnerons sans retenue.
Nos étreintes furieuses résonneront de clameurs barbares.
Nos corps et nos âmes enchevêtrés ne connaîtront le répit que lorsque l'un ou l'autre succombera dans un râle ultime de capitulation.
Quand le silence enfin fera taire le chaos, je contemplerai ton corps étendu parmi les tiens.
Blessée dans ma chair, mais libérée de ton joug, alors seulement je pourrai rêver le monde de mes enfants.